mercredi 28 septembre 2011

SURPRISE EN FIN DE PARCOURS!

Nous sommes le 25 septembre 2011, jour qu'attendent avec fébrilité toutes les personnes impliquées dans le  projet EDLC (Étudiants Dans La Course). Depuis octobre dernier, nos efforts convergent vers ce but ultime, ce défi lançé à une trentaine de jeunes issus de milieux pour le moins plombés, soit s'engager à courir le marathon de Montréal. Ce matin 18 d'entre eux ont tenu le coup. C'est à la fois pour eux un test suprême et un jour de fête, ouf!

Évidemment, ces jeunes ne sont pas laissés à eux-mêmes. En s'engageant, ils s'inscrivent à un programme et sont suivis tout au long du processus. Ce qui est fantastique, c'est la valeur du défi. Il est assez grand pour faire peur et oblige à une implication totale des participants pour y arriver. À quoi servirait de se lancer dans un projet facile qui en bout de ligne, n'aurait aucun effet sur le parcours de notre vie quotidienne. Alors, de savoir que moins d'une personne sur 1000 y parvient, encore moins chez les jeunes entre 15 et 18 ans, augmente l'appréciation de son accomplissement.

Lancé dans ce projet depuis octobre dernier, mon rôle de mentor trouve se justification dans l'accompagnement de Akim pour ces heures ultimes. Cette performance pour lui, revêt l'aspect d'une entéléchie. Franchir la ligne d'arrivée pouvant ouvrir la porte à une pléthore de réussites. Quel plaisir pour moi d'en être le témoin. Encore faut-il que je l'accompagne physiquement durant son exécution. Nous savons intuitivement que le marathon tire sa notoriété de la difficulté de la distance à parcourir. Il n'est pas seulement difficile, c'est un écueil, un tourment, la tarasque des temps modernes, curieusement issue de la Grèce antique.

Mais nous ne somme pas arrivés à ce dimanche 25 septembre peu préparés. Plus de 140 sorties, des courses tests de 5, 10, 20 km et un demi-marathon (PIKERMI), ont permis de construire la confiance nécessaire pour quiconque veut se présenter à la ligne de départ d'un marathon. C'est donc à la fois anxieux et excités que nous attendons le coup de départ sur le pont Jacques-Cartier. Akim bénificie d'une situation privilégiée, en ce sens que deux mentors se l'ont en quelque sorte approprié. L'un très performant et attentif, l'autre, moi, en l'occurence plus présent, parce qu'ayant plus de temps libre à lui consacrer, mais un ton en dessous, côté performance. Nous avons donc concocté un plan à trois, pour le fameux jour J. Nous partirons à 6:00/km, 6:15/km jusqu'au moins le 30ième km et après, on pourra s'ajuster en fonction des énergies restantes.

Voilà le coup de départ et la fête commence. Après quelques kilomètres marqués plus d'émotions que de rythme, nous entrons enfin dans notre vrai plan de match. Nous sommes une bonne douzaine dans notre bande rouge, marqués par le maillot caractéristique d'EDLC. Fiers que nous sommes de notre projet, nous ne manquons pas d'occasions de le scander à chaque fois que des spectateurs se manifestent  sur notre passage. Je cherche à m'ajuster à la cadence, mais aurait préféré m'isoler pour mieux entrer dans mon marathon. Mais attention, ce n'est pas mon marathon, enfin, oui un peu, je suis là en synchronie, en cortège, en garniture derrière l'exécution du défi ultime de Akim qui de son côté, tient bien le rythme.

Pourtant après un peu plus de 20km, Akim se plaint de douleurs aux genoux, mais ne ralentit pas pour autant. Il ajuste plutôt sa foulée et tout semble rentrer dans l'ordre. Pendant ce temps, c'est moi qui commence à montrer des signes d'inconfort et mes ajustements m'obligent à fouiller dans ma zone d'inconfort. Bien sûr, c'est quasi impossible qu'un groupe d'une douzaine d'individus voguent ainsi en synergie sans quelques aiguillons qui dépassent çà et là. Durant les entraînements, notre rôle de mentor consistait souvent à faire maintenir le rythme, pour le bénéfice de tous. Pourtant là, aujourd'hui il me semble qu'on doive s'accomoder de la relation privilégiée que chaque mentor a développé avec son mentoré. François semble s'envoler en avant du groupe, sans jamais devoir y ajouter d'effort. C'est alors que Jocelyn m'offre de l'accompagner à partir du 30ième, un peu comme pour le libérer de ses entraves. Voyant que Akim semble en plein contrôle, j'abonde en son sens et il en va ainsi.

J'ai très confiance au groupe dans lequel circule Akim, heureusement car quelques signes m'indiquent que je doive ralentir, si je veux rallier la ligne d'arrivée en un morceau. Je laisse donc s'éloigner mon groupe et cours seul un certain temps, jusqu'à ce que j'entende une voix familière quelques dizaines de mètres derrière moi. Il s'agit de Thierry qui ma foi, n'est pas dans sa meilleure journée. Bravo, nous piétinerons à deux. Bien sûr, pour lui comme pour moi, c'est encore affaire de compromis. Prendre le rythme de l'autre, imposer le sien, tout se fait dans la bonne heumeur, rassurés qu'ainsi nous vaincrons ces démons qui nous tiraillent et rendent les kilomètres si longs.

La surprise, car c'est là le sujet de mon billet, la surprise donc, arrive au 40ième km. Qui ne vois-je pas courir à contresens, Akim. L'air joyeux et pimpant, il me salue en me disant:" Yves, j'ai franchi la ligne d'arrivée, je suis un marathonien". Et là Thierry incrédule, lui demande: " Tu n'as pas reçu ta médaille".
-"Non, non, c'est avec mon mentor que je veux l'avoir". Jamais je n'aurais cru qu'un jeune'un jeune homme de 16 ans, pour qui c'est le premier marathon, s'inquiète ainsi, parce qu'il a dit qu'il s'inquiétait de ma situation, franchisse d'abord la ligne d'arrivée et rebrousse chemin sur deux km, pour courir les deux derniers km avec son mentor et cueillir enfin sa médaille.

Comme quoi la vie parfois nous réserve des surprises, là où on s'y attend le moins. La vie t'appartient Akim. Ce fut un privilège de te côtoyer.

mercredi 14 septembre 2011

LA SOUFFRANCE N'EST PAS NÉCESSAIRE

À l'évidence, le tandem bonheur- souffrance, ou malheur-résilience fait des petits par les temps qui courent. C'est du moins ce que j'ai lu récemment sur les exploits et les états d'âme de personnalités du monde du sport. Dans le domaine de la course à pied, les noms de Scott Jurek, Frank Shorter et Billy Mills me sautent à l'esprit devant ces quatre valeurs ayant permis d'accoucher de grands exploits. Scott Jurek pour avoir trimé dur à des tâches d'adulte sans jamais sourciller,Frank Shorter pour avoir étouffé la douleur de l'enfant battu par un père adulé de tous et Billy Mills pour avoir conjuré le sort des Sioux de sa terre natale. Évidemment, si je les cite, c'est qu'ils ont accompli des exploits hors du commun. Jurek par ses Ultras Trails inégalés, Shorter pour la dernière médaille d'or olympique des États-Unis au marathon en 1972 et Mills pour son 10,000m d'anthologie à Tokio en 1964.

Il est vrai aussi qu'à chaque fois qu'on se sort d'un pétrin, le positif prend le dessus. Ou peut-être le positif s'est-il déjà immiscé quand l'adversité, l'infortune, l'épreuve nous accable. Ce serait à ce moment que le pendant sauveur, prend la relève sur le désastre et nous sort d'embarras.

Pour y voir plus clair, je m'attarde à deux points de vue différents sur la question. Un ami proche, issu d'une famille moyenne de la région du Bas Saint-Laurent, prétend que le fait d'avoir été choyé, suivi et encouragé durant son enfance, en ont fait un homme responsable, réaliste et prêt à faire face à la vie. Toutefois, en ce qui concerne les coups durs, c'est une autre histoire. Ce serait plus facile, à son avis de traverser les tragédies, maladies et autres catastrophes, si la vie ne nous a pas épargné en bas âge. Peut-être aussi que je distorsionne les propos de mon ami, mais en résumé, on aurait plus de chance d'être heureux, si la vie ne nous a pas trop épargné. Nous cultivons peut-être par manque, une admiration pour l'approche de l'autre.

De mon côté, je suis natif d'un milieu plus modeste,ayant connu des problèmes familiaux sérieux, voire alcoolisme, violence et cetera, je me qualifie à plein pour la résilience. Pourtant ma vision de la vie tire son essence beaucoup plus des encouragements et du désir passionné et irrrépressible d'agir. Lorsqu'il m'arrive d'imaginer un défi, c'est l'enthousiasme qui prend le dessus et la vision de l'accomplissement n'a de cesse qu'à l'aboutissement, peu importe les difficultés, obtacles ou écueils qui se présentent chemin faisant. Je dois nuancer cependant, car il m'est arrivé et il m'arrive encore d'arrêter avant la fin. Ce doit être une contradiction inhérente à ma manière d'être. Si la frénésie, l'ivresse de la réussite s'évaporent, alors l'énergie suit la même pente descendante.

À bien y penser, c'est l'action qui demeure mon leitmotiv. Pour moi le bonheur réside dans le chemin qu'on parcourt, plus que dans la destination. Alors quoi...