jeudi 18 août 2011

Mes salutations à René Jarret

Je ne l'ai pas connu sous ce patronyme, mais bien comme Frère René. Nous sommes à l'été 1960 et ma vie s'aprête à prendre un virage déterminant. Dans ma tête de pré-adolescent, on a voulu m'inoculer le germe de la vocation de Frère des Instructions Chrétiennes, en m'appâtant avec la possibilité de suivre le cours classique.

Comme j'aime les études et que la maisonnée embaume l'eau bénite,  l'offre du directeur d'école s'avère plus qu'alléchante. En effet, la communauté consent à des tarifs réduits pour nous prendre mon frère et moi, comme pensionnaires au juvénat Jean de La Mennais à Laprairie. C'est un peu à demi conscient de la situation que j'ai accepté, mais qu'importe, une aventure se présente, pleine de promesses.

Nous sommes au printemps et comble de bonheur, on nous propose un séjour d'un mois dans un camp d'été à Saint-Michel des Saints. J'ai quand même un petit pincement à l'idée de laisser mes amis Yves, Marcel et André pour si longtemps, mais l'enthousiasme ballaie toute tristesse,  pouvant noircir le tableau ensoleillé de l'été qui s'annonce.

D'abord,  jamais je n'étais allé à Saint-Michel des Saints. Le maringuoins et mouches à chevreuil, m'y ont fait un accueil des plus ardants. Nous couchons sous la tente, ce qui titille en moi le potentiel de grand aventurier, à l'instar de mes ancètres. Tout m'attire, tout m'intéresse. Dès l'arrivée, à peine a-t-on défait nos sac-à-dos qu'on nous convie à une réunion nous détaillant le programme des vacances.

Il se décline en cours de dactylo, théâtre, natation, gymnastique, jeux de nuit, confection d'un herbier et j'en passe. L'atmosphère me pousse à tout essayer, tant il me tarde de m'y découvrir. Plus, un système est mis en place pour stimuler, le faut-il, les sceptiques devant les activités pas toujours évidentes pour les jouvenceaux que nous sommes. Une série de badges à gagner pour quiconque réussit les défis de contrôle pour chacune des disciplines concernées. Les badges pour moi, c'est comme l'écusson que porte fièrement le chevalier ayant accompli un geste héroïque.  Par exemple, au dactylo, après une initiation au doigté et un programme progressif de maîtrise de l'appareil, un test nous est offert, consistant à rédiger un court texte à l'aveugle. Le temps et les fautes faisant foi des réussites et échecs.

Pour ma part, c'est en gymnastique que j'ai lancé toutes mes énergies. Je suis ahuri de voir des matelas, un trampline et un cheval sautoir à l'orée du bois. Nous pouvons y gagner neuf badges, les dernières demandant force, agilité et une certaine prise de risque, exactement ce dont j'ai besoin.

À me grande surprise, tout ne se passe pas comme prévu. Je trouve le cheval sautoir beaucoup trop haut pour ma petite  taille et m'y butte durement à cinq reprises. C'est là que le frère René entre en scène. Si le cheval est trop haut pour ton gabarit, tu ne peux le changer, mais changer ton approche, me dit-il, d'un ton amical. En augmentant ta vitesse d'approche et ton angle d'attaque, tu vas pouvoir le dompter sans problème. J'y ai cru et mes réussites ont amorcé une spirale menant à la conquête des neufs badges en un temps record, m'indiquent-on par la suite.

Cette simple intervention du frère René a dominé le parcours professionnel de l'enfant que j'étais en 1960 et je tiens aujourd'hui à saluer cet homme modeste et aimant qui me sert encore de guide en2011.

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